La BCE devrait baisser ses taux en juin, et après ?
Une décision largement attendue
A plus de 90% de probabilité, les marchés attendent une baisse de 25 bps des taux directeurs de la BCE lors de son prochain comité. Cette forte conviction a d’ailleurs été appuyée récemment par les propos du chef économiste de l’institution monétaire européenne qui a confirmé que les conditions étaient réunies pour relâcher la pression et desserrer le niveau de restriction monétaire. Cette décision est largement attendue depuis déjà plusieurs mois et les propos de Christine Lagarde qui avait indiqué le mois de juin comme un moment probablement propice à un tel mouvement. La question qui se pose surtout est désormais de savoir s’il s’agira d’un ajustement ponctuel, ou l’entrée dans un véritable cycle d’assouplissement monétaire.
Un assouplissement monétaire bienvenu
Comme aux Etats Unis, la trajectoire de l’inflation depuis le début de l’année a probablement donné quelques inquiétudes aux banquiers centraux européens qui, eux aussi, ont été contraints de mettre en garde contre une persistance plus problématique des pressions sur les prix. En effet, et comme redouté, l’inflation a clairement ralenti le rythme de sa décrue après une correction rapide liée à la normalisation des effets post COVID et matières premières.

Mais il ne s’agit pas d’une surprise et les banquiers centraux ont régulièrement rappelé que la phase finale de retour à l’objectif de 2% serait vraisemblablement moins évidente. Mais si l’inflation sous-jacente (retraitée des matières premières) est équivalente de ce qu’on observe aux Etats Unis, la BCE dispose néanmoins de plus d’arguments pour entamer son cycle d’assouplissement.
Tout d’abord, l’inflation en zone euro a été largement marquée par l’évolution des matières premières. A ce titre, le calme relatif sur les marchés pétroliers et gaziers malgré les tensions géopolitiques apparait rassurant. Ensuite, au-delà de l’inflation sous-jacente, le problème de l’inflation dans les services semble moins aigue qu’aux Etats-Unis. Si on se concentre sur l’inflation des services « cœur » c’est-à-dire l’inflation corrigée de l’immobilier et de ses éléments cycliques, la tendance est très différente avec une poursuite de la décrue en zone euro contre un rebond soutenu depuis septembre aux Etats-Unis. La dynamique des prix dans les catégories d’ordinaire les moins volatils est essentielle car les services représentent le principal moteur de l’économie, et constitue à ce titre un facteur déterminant pour stabiliser l’inflation sous-jacente. Enfin, au contraire de la solidité surprenante du cycle américain, l’économie européenne présente un profil plus habituel consécutif à un choc inflationniste et une remontée des taux, avec une croissance qui a largement atterri. En effet, la croissance de la zone euro est tombée proche zéro, avec son principal moteur, l’Allemagne, en récession. La politique monétaire de la BCE s’est donc transmise de façon plus rapide et plus tangible dans l’économie réelle, avec notamment des taux directeurs ajustés de l’inflation, supérieurs depuis déjà de longs mois à la croissance, ce qui n’est toujours pas le cas outre Atlantique. A ce titre, le risque est donc de maintenir une politique monétaire excessivement restrictive et couper rapidement les espoirs de rebond du cycle.
Plus de visibilité sur la trajectoire d’inflation qu’aux Etats Unis


Ajustement temporaire ou début d’un cycle ?
Largement critiqués pour leur manque d’anticipation et de réaction face à la flambée des prix post COVID, les banques centrales sont sous une pression intense pour réaliser la sortie vers une normalisation monétaire. Si auparavant celle-ci consistait généralement à monter les taux jusqu’à une rupture dans le système financier ou économique, il s’agit désormais d’anticiper le retour à la normale tout en prenant un maximum de précautions. Et de ce point de vue, force est de constater qu’en zone euro, les données économiques justifient plus clairement un assouplissement. Au-delà du constat sur la situation actuelle, la reprise qui se profile s’annonce molle et nécessite probablement le soutien d’une banque centrale légèrement procyclique. A rebours de la tendance post COVID aux Etats-Unis où l’on note un rebond de la productivité et une mobilisation de l’épargne, la reprise européenne est fragile et une politique monétaire trop restrictive risque de la tuer dans l’œuf. C’est probablement pour cette raison que les banquiers centraux européens affichent plus clairement leur volonté de débuter un cycle de baisse des taux, à l’image des propos du gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau qui a mentionné la possibilité d’une seconde baisse dès le mois de juillet.
La principale difficulté risque de parvenir à s’affranchir de l’action de la Réserve Fédérale américaine qui doit encore faire preuve de persévérance. Sans détente monétaire aux Etats Unis, la BCE risque de voir l’impact de son action considérablement limitée du fait de la dépendance entre les deux économies, de la corrélation entre les taux et d’une possible dépréciation de l’euro qui viendrait nourrir l’inflation importée.
Le besoin d’accompagner cette tentative de reprise


Quel impact en termes d’allocation
En termes d’allocation d’actifs, ce scénario ouvre la voie à une surperformance des actifs européens, en particulier du coté des marchés obligataires. Historiquement la décision de baisser les taux directeurs s’accompagne d’une baisse des taux sur les marchés et une repentification des courbes de taux. Même si le potentiel apparait plus limité, les marchés obligataires européens semblent plus attractifs tactiquement afin de profiter de la possible décorrélation avec les marchés obligataires américains. Le principal risque à ce scénario réside dans une économie américaine plus solide que prévu qui pousserait la Fed à reculer encore ses baisses de taux, entravant l’assouplissement monétaire de la BCE.
Du côté des actions, le différentiel de politique monétaire, combiné à un affaiblissement de la devise européenne est de nature à soutenir en relatif les actions européennes. D’autant que les valorisations sont plus attractives, en particulier pour les valeurs de croissance moins “Inflatées” par le poids de valeurs de technologie. Néanmoins, le freinage de l’économie américaine, s’il se transforme en atterrissage plus douloureux, ou une dégradation possible des conditions de liquidité, pourrait s’accompagner des mécanismes habituels d’aversion au risque favorisant l’exposition au dollar, et ce malgré le différentiel de prime de risque déjà significatif.
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