Entre l’inflation et la crise du logement, quel marché pour les entreprises du BTP ? 

Le secteur du BTP a été sévèrement touché par la crise sanitaire, qui a ralenti ou mis à l’arrêt les chantiers. Mais cette perturbation de l’activité, qui a surtout un impact sur la trésorerie des entreprises, a pu être contenue par les soutiens de l’Etat. Les entreprises du secteur ont fait appel massivement au Prêt Garanti par l’Etat (PGE), à la mise au chômage des employés, l’interruption des CDI de chantier et le recours à l’intérim. Par ces biais, les difficultés de trésorerie ont pu être reportées, au moins sur un an. 

Après une baisse de 6.4% du chiffre d’affaires global du secteur en 2020, l’année 2021 a vu une remontée de ce dernier de 9.5% à 46.1 milliards d’euros¹. 

Malheureusement, ce report des besoins de trésorerie arrive à échéance au moment où la remonté des taux fragilise surtout le marché de l’immobilier, et particulièrement celui du neuf. Le dernier baromètre de conjoncture de la Fédération Nationale des Travaux Publics montre qu’au deuxième trimestre 2023 l’opinion sur l’activité future a diminué de 15 points, revenant à son niveau de 2022. 

Résilience et défis du secteur des travaux publics

Après une forte croissance en 2021, le secteur des travaux publics souffre de la fin des aides de l’Etat de la période Covid, de l’augmentation des coûts des matières premières et de la baisse de l’activité. L’architecture des travaux publics offrira-t-elle au secteur de la résilience ? 

Baisse de l’activité et pressions sur les matières premières

En mai 2023, la production en volume du secteur des travaux public a diminué de 3.6%², confirmant la tendance de baisse générale d’activité du marché. En effet, le secteur est pris en étaux entre l’augmentation des matières premières et la baisse de la demande avec l’augmentation des taux d’intérêts. Mais ses maîtres d’ouvrages et le type de travaux demandé le rend plus résilient. 

Les différents maîtres d’ouvrage

Le secteur des travaux publics intervient à la fois pour des contrats privés et des contrats publics. Son principal maître d’ouvrage reste les collectivités locales, qui représentent 38.5% du chiffre d’affaires global de la filière, viennent ensuite le secteur privé (34.4%), les grands opérateurs (21%), les concessions et contrats de partenariats (3.2%), et enfin l’Etat (2.9%)¹. 

Néanmoins la diversification est complexe dans le secteur qui se spécialise. Les travaux électriques, par exemple, n’ont rien à voir avec les travaux souterrains, eux-mêmes radicalement différents des travaux de forage.

L’équilibre fragile entre demande publique et privée

La commande publique, et notamment les voiries, est le pilier de secteur de la construction qui ne subit pas, ou moins, la baisse de la demande. D’autres branches du secteur reposent sur l’investissement public indirect, c’est-à-dire à travers les subventions de l’Etat aux propriétaires, particulièrement en ce qui concerne la rénovation énergétique. Cette demande peut-elle palier à la baisse de la demande privée ? 

Les difficultés du secteur touchent particulièrement les entreprises exerçant pour le marché des particuliers primo-accédants. Ces acteurs doivent faire face à des « creux » de trésorerie, car la baisse de vente des logements en construction diminue les financements nécessaires à la finalisation du projet, et l’emprunt auprès des banques ou des marchés, pour une activité considérée aujourd’hui comme risquée — avec généralement une faible garantie en capital — est très onéreux, voire impossible. 

D’un autre côté, les dotations de l’Etat à la rénovation énergétique assurent une demande constante des propriétaires particuliers. L’enveloppe, à hauteur de 4 milliards d’euros en 2022³, garanti aux entreprises du secteur une activité solide, surtout quand, d’un autre côté, la réglementation se durcit contre les passoires thermiques. Vient aussi le temps, dans le débat public, des bouilloires thermiques, qui devraient offrir un axe de développement du marché de la rénovation pour les années à venir. 

Transition écologique et nouveaux défis du secteur du BTP

La rénovation énergétique est la première pierre de la transition énergétique du logement anticipée par le politique. C’est une des portes d’entrée du secteur du BTP dans la transformation écologique, quels sont les enjeux du secteur ? 

Les défis écologiques dans le BTP

Le secteur du BTP est souvent pointé du doigt pour son impact sur le climat, et le verdissement de son activité est un point clé de son développement pour les années à venir. En France, le politique est de plus en plus hostile à l’artificialisation des sols, en témoigne la loi du 20 juillet 2023 visant « zéro artificialisation nette des sols » d’ici à 2050, qui semble imposer un coup d’arrêt à la construction de lotissements et zones commerciales en zone vierges. Enfin, l’augmentation du carburant semble porter un dernier coup au modèle de la maison individuelle en zone périurbaine, importation du rêve américain en France datant du XXème siècle. 

D’un autre côté, ce sont les chantiers de rénovation qui se multiplient, avec par exemple la restructuration des ateliers RATP Vaugirard, débutée en 2016, qui seront transformés en logement et espaces commerciaux⁴. Pour les infrastructures publiques, le verdissement des centres urbains est un marché porteur pour les années à venir, alors que chaque vague de chaleur repose la question de l’adaptation de nos villes. 

Rénovation des villes de province

Les enjeux écologiques et économiques amènent les villes à repenser leurs lieux de vie. La rénovation est le nouveau cheval de bataille du gouvernement pour atteindre les objectifs climatiques ambitieux de la France et de l’Europe. Et si, avec le développement du télétravail, on vantait soudainement la vie à la campagne, dans les chiffres se sont les métropoles de province, dont les prix en centre-ville ont parfois explosé, qui ont profité le plus de cette tendance ; Lyon, Toulouse, Bordeaux et Nice auront, comme Angers, elles aussi le soin de mieux accueillir leur population, et se tourneront sans doute vers la rénovation de leur parc d’habitation pour offrir un cadre de vie agréable malgré le changement climatique. Le travail est encore considérable, et les solutions technologiques ne sont pas encore toutes trouvées pour bâtir la ville de demain, laissant le marché ouvert à des nouveaux acteurs. 

Sources :
¹ FNTP, Chiffre d’affaires des travaux publics en France, 2022. 
² FNTP, Bulletin de conjoncture mensuel de mai 2023, 2023. 
³ Gouvernement, Rénovation énergétique des bâtiments publics, 2022. 
⁴ RATP, Restructuration des ateliers Vaugirard, 2023. 
⁵ Bee Engineering, Smart City : Angers entame sa transition avec Engie Solutions, 2019.

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