17 SEP. 2018 Les investisseurs gardent leur confiance sur les marchés actions

Lors du Private Wealth France Forum, organisé par le Markets Group le 12 septembre dernier à Paris, Jean-Jacques Friedman, Chief Investment Officer (CIO) de Natixis Wealth Management et de VEGA Investment Managers , a animé une table-ronde passionnante sur le thème : « Today’s Equity Market: Trends vs Fads ». Sur scène, sept experts de la gestion de fortune ont, pendant une heure, débattu des tendances actuelles des allocations d’actifs bâties sur-mesure pour les grands investisseurs privés. Dans un contexte d’extrême hétérogénéité des performances selon les marchés et les classes d’actifs, il nous a semblé intéressant de partager avec vous les principales conclusions de ces riches échanges.

Premier constat, partagé par l’ensemble des experts, les performances des marchés actions ont été beaucoup plus différenciées que les divergences réelles entre zones géographiques, laissant les États-Unis caracoler en tête des performances, loin devant l’Europe ou les pays émergents. « Cette très forte désynchronisation pose la question du cycle économique dans lequel nous nous trouvons », s’interroge Olivier Raingeard de la Blétière, CIO à la Banque Neuflize OBC. Et à cette question, le marché n’a pas de réponse consensuelle, bien que le point de focalisation concernera bien sûr en premier lieu le cycle américain et la question de sa possible prolongation en relation avec la politique mise en œuvre par Donald Trump.

Faut-il pour autant se détourner déjà des actions ? Les investisseurs répondent clairement non. « Près des trois quarts de la collecte sur les ETF en zone euro se portent sur les actions, principalement américaines », observe Emmanuel Monet, responsable des ventes France, Luxembourg & Monaco chez Amundi ETF, Indexing & Smart Beta. Pour Francis Ellison, conseiller en placement chez Columbia Threadneedle Investments, « l’important est de s’extraire des cycles en jouant sur la diversification du portefeuille ». Même analyse de Will Balard, gérant spécialisé sur les marchés émergents chez Aviva Investors, pour qui la question du cycle doit rester secondaire au profit de la recherche de thématiques d’investissement.

En termes de classe d’actifs, les experts ont défendu la spécificité de chacun des styles de gestion. « Je reste convaincu de l’intérêt à moyen et long terme des valeurs moyennes, un univers suffisamment large pour toujours dénicher des titres à potentiel, indépendamment du cycle », plaide de son côté Jean-François Arnaud, gérant chez Talence Gestion. D’autant que ce segment, souligne Francis Ellison, reste peu concurrencé par la gestion passive. « Dans nos mandats discrétionnaires, nous avons toujours eu une exposition naturelle aux actions américaines, ce qui nous a plutôt réussi ces dix dernières années », rappelle Vincent Izrael, responsable des équipes de gestion de JP Morgan Private Bank France mais, précise-t-il, « nous apprécions également les actions japonaises et nous commençons à nous intéresser à nouveau aux pays émergents avec la stabilisation du dollar ». Pour le responsable de la banque américaine, la performance des indices américains repose sur une croissance solide et une réelle dynamique de marché et non pas seulement sur le secteur de la technologie. Pour preuve, « 50 % des valeurs du S&P 500 ont progressé de plus de 4 % depuis le début de l’année », relève-t-il. Si les marchés plébiscitent les actions, ils boudent en revanche les obligations, une classe d’actifs sur laquelle il est devenu très difficile de dégager de la performance. « La clientèle de la banque privée est en train de sortir de la sphère obligataire », confirme Olivier Raingeard de la Blétière, « en privilégiant désormais les fonds en euro aux obligations tout en maintenant inchangée leur allocation sur les actions ».

La gestion alternative est également une solution de plus en plus prisée au Luxembourg ou en Suisse, relève Emmanuel Monet. « Les jeunes entrepreneurs qui vendent leur société ne veulent prendre aucun risque sur l’obligataire et ils adoptent de plus en plus fréquemment une stratégie d’investissement « barbell » avec, d’un côté, des fonds en euros et de l’autre, des fonds de private equity », constate Vincent Izrael. La polarisation des marchés s’exprime également au niveau sectoriel. Le phénomène n’est pas nouveau et les thématiques sectorielles et géographiques sont souvent liées. « Chaque cycle renvoie à une thématique sectorielle dominante », estime Olivier Raingeard de la Blétière. Les fonds sectoriels sont simplement plus faciles à vendre. Mais, prévient Jean-Jacques Friedman, « il peut être dangereux de s’enfermer dans des univers trop étroits, nous vivons, sur les marchés financiers, dans un univers où rien ne doit être tenu pour acquis. Ainsi, dans le contexte actuel de remontée des taux d’intérêt, la frontière entre les gestions « growth » et « value » devient floue : un gérant « croissance » doit aujourd’hui rechercher où qu’elles soient, sans s’interdire aucun secteur, les entreprises bénéficiant de puissantes barrière à l’entrée ».

Dernière grande conclusion de ces échanges, en complément des allocations géographiques et sectorielles traditionnelles, les investisseurs privés ont tout à gagner à diversifier leur patrimoine financier en explorant les tendances sociétales, globales et transversales, comme la digitalisation de l’économie, le vieillissement de la population en Occident, voire même l’intelligence artificielle. Ces disruptions sont l’aboutissement de la tendance du « winner takes it all » qui explique notamment pourquoi le fait de jouer simplement le rattrapage de valorisation d’un titre ne fonctionne plus depuis plusieurs années. Loin d’être un simple effet de mode, ce type de fonds offre de nouvelles perspectives en matière de dynamisation des performances.

Aller plus loin