Les mesures destinées à favoriser la transmission du patrimoine à titre gratuit
La loi de finances pour 2025, récemment adoptée par le Parlement, introduit, dans une certaine limite, une exonération des dons familiaux de sommes d’argent en vue de l’acquisition d’une résidence principale ou de travaux de rénovation énergétique au sein de celle-ci.
Cette mesure, que nous décryptons ci-après, constitue un nouveau vecteur de transmission de patrimoine.

Par ailleurs, elle nous fournit l’occasion de revenir sur les dispositifs existants destinés à encourager les donations de préciser leurs spécificités respectives (abattements et exonérations variés, renouvelables et cumulables…), et de mettre un terme à la confusion souvent opérée entre eux.
Nous aborderons par la même occasion le volet de la transmission par décès et constaterons sur ce registre que la place à accorder à l’assurance vie demeure importante.
Le présent article se concentre sur le seul volet fiscal de la mise en place de libéralités. Pour autant les incidences civiles de celle-ci devront être examinées attentivement.
Les mesures applicables en cas de donation
L’abattement personnel
Son montant dépend du lien de parenté entre le donateur et le donataire.
Chaque parent peut transmettre à chacun de ses enfants, en franchise de droits de donation 100 000 € en valeur. Un couple ayant 3 enfants peut ainsi leur donner globalement 600 000 € (2 x 3 x 100 000 €) sans fiscalité.
Dans les relations grand-parent / petit-enfant, le montant à transmettre hors droits est de 31 865 €. Un couple ayant 5 petits enfants peut leur transmettre la somme totale de 318 650 € sans droits de donation (2 x 5 x 31 865 €).
A noter que les donations visant un saut de générations peuvent constituer une stratégie pertinente, l’abattement précité ne s’appliquant qu’en cas de donation, à l’exclusion des transmissions par décès. Il en est de même de l’abattement de 5 310 € entre arrière grand-parent et arrière petit-enfant.
Dans les situations précitées, peu importe la nature de l’actif transmis : immeuble, valeurs mobilières, somme d’argent… De même, est indifférent l’âge du gratifiant et du gratifié. L’abattement, qui peut être utilisé en une ou en plusieurs fois, se renouvelle tous les 15 ans.
Zoom sur la règle du rappel fiscal des donations de moins de 15 ans
Cette règle vise à limiter la fréquence d’utilisation de l’avantage fiscal tenant à l’application de l’abattement personnel. En effet, elle implique que pour le calcul des droits dus lors d’une donation, il est tenu compte des donations consenties par un donateur au même donataire durant les 15 années précédentes.
Si au cours de cette période, une libéralité a consommé l’intégralité de l’abattement disponible, des droits seront alors calculés à l’occasion de la nouvelle donation d’après le barème progressif suivant :
Fraction de part nette taxable (P) | Taux | Formule de calcul des droits |
---|---|---|
N’excédant pas 8 072 € | 5 % | P x 0,05 |
Comprise entre 8 072 € et 12 109 € | 10 % | (P x 0,1) – 404 € |
Comprise entre 12 109 € et 15 932 € | 15 % | (P x 0,15) – 1 009 € |
Comprise entre 15 932 € 552 324 € | 20 % | (P x 0,2) – 1 806 € |
Comprise entre 552 324 € et 902 838 € | 30 % | (P x 0,3) – 57038 € |
Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 € | 40 % | (P x 0,4) – 147 322 € |
Au-delà de 1 805 677 € | 45 % | (P x 0,45) – 237 606 € |
Cette règle a une portée fiscale : elle n’interdit en aucun cas de donner. Autrement dit, dans une telle situation, une libéralité est juridiquement possible, son coût pouvant être plus élevé.
Les exonérations au titre des dons de sommes d’argent
Deux mesures en apparence semblables sont prévues par la loi. Elles se distinguent néanmoins à plusieurs égards : montant de l’exonération, conditions liées à l’âge du donateur et du donataire ou au remploi des sommes données, caractère permanent ou temporaire de la mesure, …
- En premier lieu, sont exonérés dans la limite de 31 865 euros, les dons de sommes d’argent en pleine propriété au sein du cercle familial. La donation peut alors être consentie en une ou plusieurs fois, par un parent à son enfant ou par un grand-parent à un petit enfant, ou par un arrière grand-parent à un arrière petit-enfant ou à défaut d’une telle descendance au profit d’un neveu ou d’une nièce.
Par ailleurs, le donateur doit avoir moins de 80 ans et le donataire doit être majeur. Aucune condition tenant à l’usage de la somme reçue n’est imposée par la loi. En revanche, il convient de veiller au respect d’un formalisme déclaratif : les sommes doivent faire l’objet d’une déclaration dans le mois qui suit leur transmission, sous peine de déchéance du bénéfice de l’exonération.
Cette mesure fiscale favorable se renouvelle tous les 15 ans. Autre point important : elle n’est pas prise en compte dans le cadre du rappel fiscal des donations.
Exemples :
– Des parents, âgés de moins de 80 ans, ayant 3 enfants majeurs peuvent ainsi leur faire don de la somme d’argent globale de 191 190 € (2 x 3 x 31 865 €) tous les 15 ans sans coût fiscal.
– Des grands-parents, âgés de moins de 80 ans, ayant 10 petits-enfants majeurs peuvent ainsi leur faire don de la somme d’argent globale de de 637 300 € sans droits de donation (2 x 10 x 31 865 €).
- La loi de finances pour 2025 introduit une nouvelle mesure d’exonération des dons de sommes d’argent au sein de la famille, telle que définie plus haut. Echappent ainsi aux droits de mutation, les donations de numéraire en pleine propriété dans la double limite de 100 000 euros par un même donateur à un même donataire et de 300 000 euros par donataire.
Ce dispositif, qui n’a pas été commenté pour l’heure par l’administration fiscale ne concerne que les sommes versées du 15 février 2025 au 31 décembre 2026. Il n’est pas prévu de condition d’âge du donateur et du donataire. En revanche, les sommes données doivent être affectées dans les 6 mois à :
– L’acquisition d’un immeuble neuf ou en VEFA, destiné à constituer la résidence principale du gratifié ou celle d’un locataire (le bail ne peut pas être conclu avec un membre de son foyer fiscal) et ce pendant 5 ans,
– Ou, à la réalisation de certains travaux de rénovation énergétique du logement dont le donataire est propriétaire et qui constitue sa résidence principale.
Attention, cette exonération ne s’applique pas aux dépenses au titre desquelles le donataire a bénéficié soit du crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile, ou – d’une déduction de charges pour la détermination de l’impôt sur le revenu ou bien encore de la prime de transition énergétique (MaPrimeRénov’).
Le cumul des mécanismes
Les abattements personnels se cumulent avec les exonérations pour dons familiaux.
Ainsi, une personne pourrait être gratifiée du vivant de ses deux parents et de ses quatre grands-parents de la façon suivante :
Abattements personnels | Exonération don familial | Exonération loi de finances 2025 |
---|---|---|
Sous réserve que le donataire soit majeur et que les donateurs aient moins de 80 ans. | Si le donataire a par exemple un projet d’acquisition d’un bien destiné à constituer sa résidence principale. | |
Entre parent et enfant : 200 000 € en valeur (Soit 2 x 100 000 €) | Entre parent et enfant : 63 730 € en numéraire (Soit 2 x 31 865 €) | Le donataire peut recevoir au maximum 300 000 €. |
Entre grand-parent et petit-enfant : 127 460 € en valeur (Soit 4 x 31 865 €) | Entre grand-parent et petit-enfant : 127 460 € en numéraire (Soit 4 x 31 865 €) | Le donataire peut recevoir au maximum 300 000 €. |
Total : 818 650 €
L’agrégation de ces mesures favorables permettrait donc au donataire de recevoir la somme de 818 650 € en franchise de droits de donation.
Les mesures applicables en cas de décès
L’abattement personnel entre parent et enfant
Parmi les mesures précitées, seul l’abattement de 100 000 € par parent et par enfant s’applique à la fois en cas de donation et de transmission par décès.
Toutefois, il n’a vocation à être utilisé lors du calcul des droits de succession que pour autant que les donations précédentes qui l’auraient consommé, datent de plus de 15 ans. On retrouve ici la règle du rappel fiscal des libéralités de moins de 15 ans (cf. supra encadré en gris ci-dessus).
Par exemple, si en 2022 un parent a consenti à son fils une donation de valeurs mobilières en pleine propriété de 70 000 € et qu’il décède en 2023, l’enfant ne pourra revendiquer, pour la détermination des droits de succession, que le solde de l’abattement disponible, soit 30 000 €.
Si la transmission par décès est fiscalement moins favorisée que celle du vivant, son coût peut toutefois être amélioré par le recours, avant l’âge de 70 ans, au cadre de l’assurance vie.
Le recours au cadre de l’assurance vie avant 70 ans
Il s’agit là d’un outil complémentaire et avantageux à la transmission de droit commun par succession des actifs de droit commun (immeubles, droits sociaux, valeurs mobilières, meubles …)
Lors du dénouement du contrat du fait du décès du souscripteur assuré, la compagnie d’assurance verse les capitaux décès aux bénéficiaires désignés par le souscripteur. Au préalable, ces sommes subissent une fiscalité par bénéficiaire spécifique aux taux de 20% puis 31,25% après un abattement de 152 500 €.
Or cet abattement de 152 500 € (qui s’applique pour l’ensemble des contrats souscrits au profit d’un même bénéficiaire) se cumule avec celui personnel en cas de succession pour le calcul des droits de succession sur les actifs hors assurance vie.
Ainsi, à supposer que l’abattement de 100 000 € soit disponible lors du décès de ses deux parents, un enfant peut bénéficier lors du décès de ces derniers d’une franchise fiscale de :
- 200 000 € (2 x 100 000 €) pour le calcul des droits de succession, et de,
- 305 000€ (2 x 152 500 €) si les parents avaient souscrit avant leurs 70 ans un contrat d’assurance vie au bénéfice de leur enfant
On l’aura compris, il est plus intéressant de transmettre de son vivant et le plus jeune possible afin de bénéficier plusieurs fois au cours de sa vie du renouvellement des avantages fiscaux tous les 15 ans.
Ces incitations ne doivent toutefois pas occulter le fait que la donation est un acte d’appauvrissement irrévocable du donateur en faveur du donataire. Le donateur sera donc bien avisé, en amont de toute libéralité, d’évaluer le niveau de revenus et de patrimoine lui étant nécessaires au financement de son train de vie.
Une transmission réussie se prépare et s’anticipe !
Avertissement
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