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TENDANCES SECTORIELLES

Après la crise de la surproduction et l’arrivée de la concurrence étrangère, quelles perspectives pour les producteurs de vin en France ? 

En 2022, fort de sa position de deuxième producteur mondial, la France était le premier exportateur mondial de vin dans le monde, avec 45.5 millions d’hectolitres répartis dans 135.2 millions de caisses pour une valeur de 11.6 milliards d’euros. Sur le marché intérieur, la vigueur de la consommation place le pays comme deuxième consommateur mondial. Si, en 2022, le chiffre d’affaires de la filière de production de vin a augmenté de 4%, ce chiffre cache une réalité plus complexe1

Sur fond de ralentissement de la consommation intérieure, la récente crise de la surproduction de vin, notamment dans le Sud-Ouest, a forcé les instances publiques à réagir jusqu’au niveau européen. 

D’un autre côté, les conséquences du changement climatiques modifient le rendement et la qualité des sols, de façon plus ou moins brusque selon les régions, et ouvre la voie à la production de vin dans des régions jusqu’ici exclues en raison de leur climat trop rigoureux. Dans certaines zones du territoire, particulièrement dans le Sud, des parcelles de vin arrachées sont remplacées par des oliviers. 

Femme qui récolte du raisin dans des vignes

Les perspectives pour les producteurs de vin en France

La France occupe une place des plus importante dans la production et surtout l’exportation de vins dans le monde. Après la crise de surproduction, l’Union Européenne et l’Etat français ont mis en place de nombreuses aides pour épauler les producteurs rendu vulnérables. Désormais, quelles perspectives se dessinent pour les producteurs de vins ? 

Les défis de la consommation intérieure et des nouvelles générations

Si la France exporte une grande partie de sa production, beaucoup de ses vignobles, et notamment les plus modestes, hors des grands noms internationaux, comptent sur la consommation intérieure. Le pays étant un des plus grands consommateurs du monde, ce marché semblait jusqu’ici un socle solide pour financer les producteurs. Or, ces dernières années, la tendance des nouvelles générations à moins consommer d’alcool que leurs aînés pèse de plus en plus sur les ventes. La consommation d’alcool pur par an et par personne de plus de 15 ans est ainsi passée de 7.4 litres en 2011 à 6.4 litres en 2019. La part des personnes de 14 ans et plus consommatrices de vins tranquilles était au-delà des 80% en 1980, elle était en-dessous des 70% en 20152

Les défis de la vente en grande surface alimentaire

Cette demande intérieure est cependant soutenue par la restauration, où s’écoule 35% des dépenses de biens alcoolisés en France. A l’inverse, en grande surface alimentaire, les ventes baissent petit à petit depuis 2019, -3.8% en 2019, -4 % en 2022, et -2% en 2023. L’inflation risque de conforter cette tendance pour les années à venir.

verre de vin blanc

Le repas devient de moins en moins un rituel dans la société, alors que la tendance des ménages réduits, voire unipersonnels, gagne du terrain. 

Les producteurs de vins doivent dès lors s’interroger sur le public visé, et certainement jouer sur la restauration et les chiffres excellents de la reprise du tourisme en France, en pleine dynamique (cf. notre article sur le sujet : En grande dynamique après la crise pandémique, le secteur du tourisme et de l’hôtellerie se métamorphose, quels sont ses nouveaux acteurs indépendants ?). De plus, la marque française reste une référence dans le monde, et les chiffres des exportations le démontrent. 

Les enjeux des appellations et la concurrence étrangère

La récente crise de la surproduction est un indicateur ponctuel d’une tendance de fond préoccupante. Derrières les grands noms, vitrine du savoir-faire français, certains producteurs plus modestes, tournés davantage vers le marché intérieur, souffrent du ralentissement de celui-ci.  Parallèlement, le changement climatique ouvre la voie à la délocalisation de la production de vin, et pose la question des appellations : sont-elles la clé des ventes ? 

L’importance des appellations pour les vins français

Le chiffre d’affaires de la production de vin est inégalement réparti sur le territoire. La Nouvelle Aquitaine et l’Occitanie représentent à elles seules plus de la moitié du total national, viennent ensuite le Grand Est et la Bourgogne-Franche-Comté3. Ces régions sont aussi celles qui concentrent les appellations prestigieuses. Pour elles, les pouvoirs publics ont mis en place plusieurs cadres législatifs, comme l’Appellation d’Origine Protégée (AOP) ou l’Indication Géographique Protégée Cépage et Standard (IGP Cépage et IGP Standard). 

L’enjeu des appellations est si important qu’il peut être au cœur de tensions géopolitiques. Comme le 1er janvier 2022, quand les vins français n’avaient plus le droit d’être exporté en Russie avec la traduction cyrillique du « Champagne », réservée aux bouteilles produites sur le territoire russe4

L’impact du changement climatique sur la production de vin français

Les appellations protègent également le milieu d’une délocalisation, alors que le changement climatique ouvre la voie à la production de vin dans des territoires au climat jusque-là incompatible avec cette activité. Ainsi Taittinger, par exemple, grande maison de champagne rémoise, se prépare à sortir en 2024 les premières bouteilles de son vignoble anglais. Une partie des 70 hectares achetés par l’entreprise dans le Kent, en 2015, devrait donner ses premières bouteilles de sparkling haut de gamme5. Mais, à cause de la situation géographique de ces nouvelles plantations, le vin ne saurait être nommé Champagne, conformément à la législation. Reste à savoir si cette dernière évoluera — si tel est le cas, ce sera sans doute la conséquence de l’accentuation du réchauffement climatique et des tensions internationales. 

Les nouvelles stratégies des producteurs de vins

Les appellations prestigieuses des grands vins de France attirent la spéculation et notamment celle des capitaux étrangers. Dans ce marché très hétérogène, quelles perspectives pour les petits acteurs et acteurs du milieu de gamme ? 

La concurrence étrangère

Les vins français sont de moins en moins seuls dans le monde. A l’export, les vignerons doivent faire face aux vins européens, notamment Italie, Espagne et Portugal, mais aussi, et de plus en plus, du reste du monde. Les États-Unis, l’Australie et le Chili, développent particulièrement leur export de vin, et ont déjà des noms prestigieux pour défendre leur production. 

Le futur du secteur viticole en France

Sur le marché domestique, c’est à travers les grandes et moyennes surfaces que les producteurs vendent leurs produits. 80% de leur production est distribuée à travers ces enseignes et est donc soumise à l’évolution de la politique de la distribution alimentaire et à son activité (nous vous renvoyons à notre article sur le sujet : Le secteur de la grande distribution peut-il sortir gagnant de la crise inflationniste ?). 

vigne avec raisins

Le secteur viticole doit faire face à des enjeux multiples, d’un point de vue commercial avec l’évolution de la consommation d’alcool sur le marché domestique, la concurrence plus vive à l’export et, récemment, la crise de la surproduction ; d’un point de vue de la production, le réchauffement climatique pourrait impacter du moyen au long terme les capacités de production et la qualité des vignobles et certains nuisibles, comme le mildiou, rendent complexe le passage au bio. A l’export notamment, les vignerons trouvent leur force dans les appellations contrôlées, défendus par l’Etat et l’Union Européenne. Pour le marché domestique, ils devront compter sur le dynamisme des services de restauration, du tourisme, et la bonne santé des acteurs de la grande distribution. En 2022, la France est le troisième producteur mondial de vins issus de l’agriculture biologique. Ces nouvelles méthodes, comme les vins doux naturels, permettront à certains de se différencier sur le marché intérieur encombré, et de toucher les populations sensibilisées aux sujets climatique et de bien-être. 

Source :
1 Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, 2023. 
2 Xerfi, La production de vin, 2022. 
3 Xerfi, La production de vin, 2022. 
4 France info, Champagne : fin de l’appellation en Russie depuis le 1er janvier, « le dialogue se poursuit », 2022. 
5 Le Figaro, La maison de champagne Taittinger parie sur l’avenir en Angleterre, 2023. 

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Pierre-Emmanuel Eveillard
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