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EXPERTISES PATRIMONIALES

Epauler un proche : donation ou prêt familial ? 

Comment aider financièrement ses enfants sans pour autant leur transférer définitivement la propriété de ses actifs patrimoniaux ? La solution peut consister à préférer l’octroi d’un prêt familial à un don manuel ou à une donation notariée. 

Prenons l’exemple de François, retraité marié sous le régime de la séparation des biens et ayant trois enfants. Il dispose d’un patrimoine conséquent dont une fraction peut être désinvestie sans conséquence significative, notamment en termes de fiscalité. 

Ses deux enfants aînés poursuivent un projet professionnel nécessitant un certain montant de fonds propres qu’ils peinent à réunir. 

Si François désire favoriser le projet de ses enfants, il ne désire pas pour autant réaliser, à titre immédiat, de donation leur profit. Il entend plutôt leur apporter une aide ponctuelle et temporaire. Il exclut par ailleurs tout schéma pouvant aboutir à ce que son autre enfant puisse être lésé d’une quelconque façon s’agissant de la répartition future de son patrimoine successoral. 

bureau avec deux contrats à signer sur la table

Notre préconisation 

Après avoir échangé avec François et considéré ses objectifs ainsi que sa situation patrimoniale globale, nous lui recommandons le recours à un prêt familial en raison de plusieurs avantages : caractère souple de cette modalité et possibilité de transformer à terme, le prêt en libéralité en abandonnant sa créance au profit de ses deux enfants emprunteurs. 

L’idée est de réaliser d’ici quelques années une donation-partage aux trois enfants. Le benjamin d’entre eux recevrait quant à lui un actif équivalent à la valeur du capital prêté initialement à chacun des deux ainés. 

Quel est l’intérêt de recourir à la forme écrite ? 

Dès lors que le capital prêté est supérieur à 1500 euros, un écrit est impératif. Il peut être établi par un notaire ou sous seing privé (utilement supervisé dans ce cas par un professionnel du droit, avocat ou notaire). Le choix d’une forme sous seing privé suppose qu’il soit pris la précaution d’enregistrer l’acte afin de lui conférer date certaine. Dans les deux cas l’acte précisera les conditions particulières de l’opération de prêt : durée, taux d’intérêt éventuel, modalités de remboursement…

Cette documentation constitue, tant pour le préteur que pour l’emprunteur, la preuve de la remise des fonds en tant que prêt (notamment dans l’hypothèse d’une tentative de requalification de l’opération sur les plans civil et/ou fiscal). Il sera par ailleurs utile de conserver des traces écrites des remboursements déjà intervenus. 

Pourquoi une déclaration spécifique aux impôts est obligatoire ? 

Si la somme d’argent empruntée ou prêtée est supérieure à 5 000 euros (hors intérêts), le contrat de prêt doit être déclaré par l’emprunteur au service des impôts à l’aide du formulaire de déclaration n° 2062. La démarche se réalise concomitamment à la formalité de déclaration des revenus perçus l’année d’octroi du prêt.  

La rémunération du prêt familial

La rémunération du prêt familial n’est en aucun cas impérative. L’absence de paiement d’intérêts sur un capital important peut toutefois présenter un risque. Dans notre exemple, lors du décès de leur père commun, le benjamin de la fratrie pourrait exiger que l’avantage représentatif du défaut de rémunération du prêt consenti à ses frères soit rapporté à la succession.

De la même façon, la tentation pourrait être grande pour l’Administration fiscale, comme nous l’évoquons plus haut, de requalifier en donation un prêt sans intérêt n’ayant connu aucun remboursement de capital.

Ces risques seront ici proportionnels à l’importance du capital prêté et/ou à la durée retenue pour le concours. Du côté du préteur, les éventuels intérêts perçus par François seront soumis au titre de l’Impôt sur le Revenu au Prélèvement Forfaitaire Unique de 12,8 % ou à l’impôt sur le revenu si cette formule est plus favorable pour lui. Les prélèvements sociaux seront dus en sus au taux de 17,2%.

Enfin, les intérêts perçus entreront dans le champ du revenu fiscal de référence de son éventuelle Contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) dont le taux marginal est de 4%. 

Que se passe-t-il en cas de décès ? 

Disparition de l’emprunteur  

Il est possible que l’acte de prêt comporte une clause d’exigibilité du prêt anticipée en cas de décès de l’emprunteur. A défaut, les héritiers de l’emprunteur devront reprendre à leur compte le remboursement de la dette. L’emprunteur pourra bien entendu, comme pour une opération d’emprunt réalisée auprès d’un établissement financier, protéger ses héritiers en souscrivant une assurance décès spécifique. 

Disparition du prêteur  

Dans l’hypothèse de la disparition du prêteur, le solde non encore remboursé du prêt familial constitue aux plans civil et fiscal une créance laquelle sera insérée à l’actif de sa succession. 

Comme nous l’avons vu, le prêt familial peut, dans certains cas, représenter une alternative efficace à une donation manuelle ou authentique. Cela est particulièrement le cas quand il est recherché un schéma n’incluant pas une dépossession irrévocable. Encore faut-il que le financement soit remboursé à titre effectif. Une gestion saine de son patrimoine suppose en effet qu’il soit veillé à prévenir tout danger civil ou fiscal. Il est à cet égard important de ne pas succomber à la tentation de faire apparaitre une donation comme étant un prêt familial. 

Sur ce sujet comme pour tout ceux en lien avec la gestion de votre patrimoine, notre équipe d’ingénieurs patrimoniaux est bien entendu à votre disposition afin de vous accompagner dans vos choix au regard de votre situation ainsi que de vos objectifs et projets. 

Pascal Prévot Directeur de l'ingénierie patrimoniale