Quel avenir pour la grande distribution dans le contexte économique d’inflation ?

Après l’augmentation de l’inflation entre 2022 et 2023, qui avait atteint plus de 6% selon l’INSEE, elle a reflué en juillet 2023 à 4.3% en France. Cette baisse montre l’affaiblissement de l’inflation conjoncturelle, notamment liée aux prix de l’énergie, mais l’inflation structurelle, hors alimentation, énergie, alcool et tabac, semble plus résiliente, et stagne à 5.5%¹. Les prix de l’alimentation restent élevés. Néanmoins, considérant une éventuelle persistance de l’inflation sous- jacente, l’augmentation générale des coûts de la grande distribution devrait laisser une marque durable dans le paysage du secteur et le positionnement des grands groupes. 

Stratégies d’adaptation des grandes surfaces alimentaires face à l’inflation

Si en juillet 2023 la hausse des prix semble entamer une décrue, les prix de l’alimentation ont grandement augmenté depuis 2022. Dans cette conjoncture, comment les grandes surfaces alimentaires s’adaptent-elles pour garder leurs consommateurs et en attirer de nouveaux ? 

Les prix de l’alimentation en hausse : un défi pour la grande distribution

L’inflation sur l’alimentaire a été particulièrement marquée depuis 2021. Certains produits sont plus touchés que d’autres. Ainsi, les viandes surgelées ont subi une augmentation des prix de 28.74% entre août 2021 et août 2022, suivi par les viandes hachées, pâtes alimentaires, emballages alimentaires, mouchoirs en papier, pâtes ménagères, plats cuisinés à base de pâtes, essuie-tout, margarines et cafés torréfiés dont les prix ont grimpé entre 16% et 22% sur la même période² (cf. notre article sur le sujet : Alors que l’inflation fait évoluer les habitudes de consommation, quels sont les chantiers d’avenir de l’agroalimentaire ?). 

L’impact des hausses de prix sur les habitudes de consommation

Ces augmentations significatives ont encouragé les clients à se tourner vers les produits de marque distributeur. Certaines enseignes, notamment dans le low-cost, profitent de cette tendance. Les consommateurs ont de plus en plus tendance à diminuer la taille de leur panier tout en augmentant leurs visites dans les grandes surfaces. 

Une possible baisse des prix des produits alimentaires devrait avoir un impact sur la façon de consommer. Pour autant, la part allouée à la consommation alimentaire dans le budget des ménages français n’a pas tendance à croître, historiquement, et les habitudes de consommations sont généralement peu flexibles. Il n’est donc pas certain que les Français, avec la baisse de l’inflation, refassent le chemin inverse : du low-cost vers les enseignes traditionnelles, ou du moins pas dans les mêmes proportions. La priorité donnée par les consommateurs sur le prix des produits plutôt que sur la qualité transparaît dans le choix des produits de marque distributeur. Ces derniers devraient donc continuer de se développer et occuper une part de plus en plus importante dans les étalages des magasins. 

Diversités des réseaux de franchisés dans la grande distribution

Le marché des grandes surfaces est séparé entre les réseaux franchisés et les groupes de distribution. En France, il est dominé par des réseaux de franchisés. Quels sont les modes de fonctionnement de ces réseaux et la valeur de leurs enseignes ? 

Les différents modes de fonctionnement des réseaux de franchisés

En France, quatre grands groupes se partagent environ 70% du marché de la grande distribution (E. Leclerc, Carrefour, Les Mousquetaires et Système U) ; trois d’entre eux sont des réseaux de franchisés (E. Leclerc, Les Mousquetaires et Système U)³. 

Les enseignes de franchisés ne fonctionnent pas toutes de la même manière. Dans certains cas le gérant adhérent est propriétaire des murs, parfois actionnaire d’une société mobilière propriétaire d’un parc d’enseigne, ou encore simplement locataire. Pour certains groupes, la centrale d’achat fait du profit, entraînant une hausse des prix mécanique par rapport à la concurrence. 

D’autres caractéristiques structurent la diversité des réseaux de franchisés. Il en existe 2049 en France, totalisant plus de 78 000 points de ventes et plus de 67 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit au moins 60% du chiffre d’affaires total de la grande distribution. Si l’alimentaire reste le cœur d’activité des réseaux de franchise, ils se diversifient en proposant de l’équipement de la personne, du service auto, des commerces divers et de la coiffure & esthétique. 

Perspective d’avenir du secteur de la grande distribution

Si les hypermarchés se développaient ces dernières décennies, ils ne semblent plus être aujourd’hui en dynamique. Ils étaient les ambassadeurs de la volonté de certaines enseignes de diversifier leur offre de l’alimentaire, mais qu’est-ce que les consommateurs viennent chercher en grande surface alimentaire ? 

Dans les grandes surfaces alimentaires, en 2021, les produits alimentaires restent les plus vendus (72% des ventes), devant les carburants (10%), les équipements de la maison et de la personne (10%) et les produits d’hygiène et d’entretien (8%). 

Evolution des offres des grandes surfaces face à l’inflation

Aujourd’hui, les hypermarchés, en particulier, cherchent à élargir leur offre alimentaire et de restauration tout en réduisant leur surface de vente dédiée au hors alimentaire. En effet, les grandes surfaces alimentaires qui avaient choisi de se diversifier hors de l’alimentaire, avec notamment l’électroménager et l’informatique, ne poursuivent plus cette voie, voire font machine arrière. Elles n’ont pas réussi à s’imposer comme référence pour ces produits auprès des consommateurs habitués aux acteurs spécialisés et aux pure players du secteur (comme Fnac, Darty ou Boulanger par exemple). D’autre part, la gestion d’un stock de biens durables, lorsque l’activité principale de l’entreprise concerne des biens périssables, est complexe et diminue la flexibilité et la réactivité du stock, pourtant cruciale sur le marché de la distribution alimentaire. En effet, la rentabilité d’une grande surface alimentaire repose particulièrement par la rotation de son stock, et tout produit immobilisé génère un coût. 

Nouveaux comportements des consommateurs

Alors que les grandes surfaces alimentaires se recentrent sur la vente de produits d’alimentation, l’inflation modifie le comportement des consommateurs. Privilégiant les produits de marque distributeur, achetant des paniers moins remplis au terme de visites plus fréquentes, les clients semblent délaisser le modèle historique de l’hypermarché au profit du supermarché alimentaire. Les enseignes low-cost progressent. Les réseaux de franchisés s’imposent en France et détiennent la majorité des parts de marché ; moins verticaux, ils semblent plus flexibles et plus réactifs pour s’adapter aux évolutions de la demande. Le pouvoir d’achat des Français ayant baissé avec l’inflation, les modes de consommation qui semblaient provisoires ont tendance à perdurer. Vu comme moins onéreux que les commerces de proximité, particulièrement en zones urbaines, l’inflation pourrait défendre les parcs de supermarchés tournés exclusivement ou presque vers les produits alimentaires, même après sa décrue. 

Sources :
¹ INSEE, 2023. 
² IRI, 2022. 
³ Statista, Répartition des parts de marché des enseignes de la grande distribution en France entre le 20 février et 19 mars 2023, 2023. 
⁴ Xerfi, Les grandes surfaces alimentaires, 2023 

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